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Droit de réponse à l’article de Gilles Penso, intitulé: Jean Rollin, l’homme qui aimait les femmes vampires dans la rubrique « La crypte » de la revue L’Ecran Fantastique n°317 de février 2011. Nous avons l’habitude, nous autres amateurs de fantastique, de voir profaner les sépultures, de voir des cadavres exhumés par des savants fous ou géniaux, mais nous n’avions jusqu’ici jamais rencontré quelqu’un qui se permettait de cracher sur les tombes, c’est bien pourtant ce à quoi monsieur Penso s’est livré avec zèle dans « son hommage » ( !) à Jean Rollin disparu le 15 décembre dernier. HOMMAGE : acte par lequel on marque son respect, sa considération (définition du dictionnaire) Monsieur, Ainsi vous n’avez pas attendu que les cendres du défunt soient froides pour, en guise d’oraison funèbre, répandre sur la dalle vos crachotements aussi médiocres que perfides ; que ne lui avez-vous écrit tout cela lorsqu’il était vivant ! La personne visée par vos injures n’est, hélas, plus là pour vous répondre ; c’est pourquoi j’ai décidé de prendre la plume pour rectifier les choses. J’ai connu de près l’homme, Jean Rollin, puisque, par deux fois, il m’a demandé de participer à ses distributions, me proposant des rôles qui me plaisaient. J’ai donc pu le côtoyer, le fréquenter durant et en dehors des tournages. Je puis donc réaffirmer ici que, contrairement à ce que vous insinuez, Jean Rollin n’était pas seulement un homme agréable et attachant mais qu’il possédait aussi une large culture, littéraire, cinématographique, et s’étendant à d’autres Arts. Il n’avait rien de ce naïf amateur (dans le mauvais sens du terme) que vous vous plaisez à décrire et décrier, par contre il avait gardé un regard d’enfant sur la vie et l’Art, ses options cinématographiques étaient de ce fait un parti pris assuré procédant d’une volonté délibérée. Je m’étais lié d’amitié avec Jean car nous avions de multiples communautés d’esprit et concernant ses réalisations, si je n’ai pas toujours partagé leurs options, je m’élève contre l’entreprise de lynchage de votre « article » (car il ne s’agit en aucun cas d’un hommage). Nicolas Stanzick, dan son hommage, a magnifiquement rendu compte de l’œuvre du réalisateur, je l’approuve totalement et n’ai donc que peu de choses à ajouter ; cependant quelques points me paraissent susceptibles d’être relevés sur la manière dont vous présentez les choses. Votre « article » consiste essentiellement à citer les films de Jean Rollin que vous égrenez, comme d’un bac l’on sort des denrées avariées, avec toujours les mêmes commentaires et épithètes : mauvais, très mauvais, ridicule… Ma première remarque est que Jean Rollin n’a jamais disposé d’un budget conséquent pour ses réalisations et que les producteurs qui lui concédaient quelque argent, exigeaient en retour un quota de nudités féminines, ce qui explique en partie certaines de ses images. Au-delà de ces questions matérielles qui limitaient ses ambitions et par-delà les exigences auxquelles il était soumis, Jean avait effectivement ses options propres, ses thèmes et ses hantises ; si les goûts des spectateurs peuvent les aimer ou les rejeter, comment ignorer comme vous le faites, les références qui hantent ses œuvres…. Le peintre Clovis Trouille, le dessinateur Félicien Rops et ses visions érotico-sataniques ; pour ce qui concerne le 7ème Art : Kenneth Anger avec Inauguration of the pleasure dome et Invocation of my demon brother - Derek Jarman et The angelic conversation, sans omettre les étranges réalisations de Guy Maddin. Au point de vue du sens et de la logique que vous soulevez, quel sens accordez-vous au Chien andalou, à l’énigmatique Théorème de P.P. Pasolini ? Où est la logique, au plan littéraire, des «Chants de Maldoror dont les surréalistes avaient fait une référence incontournable ? Jean Rollin se réclamait des « surréalistes » ! D’autre part, vous semblez étrangement vous raidir en évoquant « les fantasmes « de Jean Rollin, nous avons tous des fantasmes, pourquoi les traitez-vous avec une sorte de distance puritaine en les évoquant ? Ignorez-vous que depuis toujours et partout, mais plus spécialement dans le domaine fantastique, Eros et Thanatos ont fait un mariage heureux, tout comme plaisir et souffrance, beauté et laideur ; ces attelages sont source de fascinations et de troubles délicieux. C’est à cette fontaine que Jean Rollin allait puiser ses images, les breuvages sanglants qui désaltèrent ses nymphes de la pleine lune ; d’ailleurs ne sont-elles pas les soeurs de celles qui hantent les ruines et les gares de triage sous le pinceau de Paul Delvaux….Marcel Duchamp et son « Grand Masturbateur » ne relèvent-ils pas de l’érotisme incongru cultivé par Jean Rollin, enfin hantises morbides ne répondent-elles pas en écho à celles d’un certain Fantomas ? Tel qu’en lui-même enfin l‘éternité le change. Jean Rollin restera comme le Douanier Rousseau du fantastique, le facteur Cheval du 7ème Art. Mon grand regret après sa disparition, c’est que Jean n’ait pu ou voulu aller beaucoup plus loin dans les représentations de ses délires et dans le sillage d’Artaud couronner l’anarchie en jetant bouquets de ronces et d’épines en vrac, fleurs carnivores et vénéneuses, ainsi que couronnes mortuaires, à la face de la bienséance et de l’ordre établi. Ce qui échappe à ma compréhension, c’est que vous ayez perdu du temps, monsieur, à écrire sur une personne que vous n’appréciez pas, il existe suffisamment de navets et de réalisations formatées pour y exercer ses canines. Jean Rollin était le seul de nos compatriotes qui aimait, défendait et réalisait des oeuvres fantastiques, nos autres réalisateurs semblant incapables d’en réaliser ! Aussi l’heure de la disparition de Jean n’était certes pas le moment pour attaquer son héritage et à travers celui-ci l’homme ; cela m’a particulièrement indigné, tout autant que le détournement d’un « hommage » en « sabordage » en règle. Il y a des limites à l’indécence, mais peut-être, monsieur, les ignorez-vous ! Bernard Charnacé Bernard Charnacé à Hors-circuits en octobre 2010 > par ici
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Jean Rollin à Hors-circuits en novembre 2010 > par ici
Ecouter l'hommage à Jean Rollin et Blake Edwards sur France Culture le 15/01/20011 > par ici
Bernard Charnacé sur le tournage du Masque de la Méduse de Jean Rollin (2009).
La nuit des horloges de Jean Rollin (2007)
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