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A l'occasion de la parution du volume 2 de Midi-Minuit Fantastique , la deuxième séance de Cinémas Hors-circuits -le rendez-vous en salle de cinéma du magasin Hors-circuits- lui sera consacrée. Lors de la première séance, nous avions insisté sur les projections en pellicule. Freaks de Tod Browning sera effectivement présenté en 35mm. Les 3 courts-métrages du programme Les cauchemars de Midi-Minuit, ayant bénéficié d'une restauration, seront eux en numérique. jeudi 17 septembre 2015 19h30 au Studio Galande 42 rue Galande 75005 Paris tarif unique: 13 euros pour la soirée à 20h: programme Les cauchemars de Midi-Minuit à 22h: Freaks de Tod Browning (en pellicule!) en présence de Nicolas Stanzick et d'invités surprises
Programme LES CAUCHEMARS DE MIDI-MINUIT Trois courts métrages sélectionnés par Nicolas Stanzick (durée totale : 75 mn.) De distingués vampires s’exprimant dans la langue de Molière, des bords de l’Oise aux trottoirs des Champs-Élysées. Une cantatrice à deux têtes dont les aventures tiennent en haleine les bons Français, lecteurs de Dimanche-Écho. Et une fée vengeresse qui révolutionne Mai 68 par sa vision toute personnelle du sexe... Voici réunis les grandes heures du midi-minuisme sur pellicule, trois courts métrages français et belge, non seulement défendus en leur temps par Midi-Minuit Fantastique, mais réalisés par des plumes ou des proches de la mythique revue. Présentés ici pour la première fois au public depuis l’époque de leur réalisation, ces courts témoignent d’un âge d’or cinéphile : celui d’un fantastique subversif et décomplexé qui, Midi-Minuit Fantastique en bandoulière, prenait enfin d’assaut le cinéma franco-belge. Une conquête par le versant underground. Le plus excitant, bien évidemment.
Prima donna, Philippe Lifchitz, 1963 LA PRIMA DONNA Un film de Philippe Lifchitz, 1964, 10 mn. Restauration HD à partir d’une copie 35 mm (AFF du CNC, 2015). Splendeur et décadence de la Pasta, une chanteuse lyrique, et de sa rivale, Mlle Mimi, une cantatrice qui, affublée d'une double tête, chante en stéréo... Raconté du point de vue de la presse people des années 1960 avec un montage photos digne de La Jetée de Chris Marker, porté par la présence de Nelly Kaplan et la voix off de Jacques Dufilho, La Prima Donna prolonge toute une tradition fantastique française, entre loufoquerie, surréalisme, absurde et merveilleux. Philippe Lifchitz, alors codirigeant d’Argos Films et producteur de Resnais, Godard ou Varda, réalisait ici son troisième et ultime court métrage. Séduit par le film, son ancien collaborateur sur XYZ, Jean-Claude Romer, lui offrit la couverture du numéro 9 de Midi-Minuit Fantastique en 1964.
La fée sanguinaire, Roland Lethem, 1969 LA FÉE SANGUINAIRE Un film de Roland Lethem, 1968, 25 mn. Restauration 2K à partir du négatif 16 mm (Cinémathèque royale de Belgique, 2015). Deux anges débarquent dans les rues de Bruxelles, un bidon à la main. À l’intérieur, une fée qui collectionne les conquêtes mâles comme autant de trophées sanglants… Anar, dérangeant et d’un féroce humour noir qui le fit adopté par les situationnistes, La Fée sanguinaire a été réalisé en plein Mai 1968 par le correspondant belge de Midi-Minuit Fantastique, Roland Lethem, l’homme qui fit découvrir en Europe le cinéma de Suzuki et de Wakamatsu. Le film connût une carrière en festival riche en scandales répétés et enthousiasma Michel Caen, le rédacteur en chef de MMF, qui le défendit dans le n°22 de la revue. Ce coup de maître lança la réputation sulfureuse du « plus japonais des cinéastes belges ».
Fantasmagorie, Patrice Molinard, 1963 FANTASMAGORIE Un film de Patrice Molinard, 1963, 40 mn. Restauration HD à partir du négatif 35 mm (AFF du CNC, 2015). Auteur des sublimes photos de repérage du Sang des Bêtes de Georges Franju – son beau-frère –, Patrice Molinard réalise en 1962 un sommet du fantastique français. Un film de vampire avec Édith Scob en croqueuse d’enfants et Venantino Venantini dans le rôle d’un émule de Dracula, le tout dans une poétique Transylvanie val-d’oisienne. D’une beauté expressionniste à couper le souffle et d’une audace formelle constante, le film a laissé pantois Alain Le Bris qui le défendit, dithyrambique, dans le n°3 de Midi-Minuit Fantastique. Redécouvrir Fantasmagorie aujourd’hui est un choc. Car pour le résumer d’une formule excessive mais néanmoins pertinente, voici peut-être le chaînon manquant entre Nosferatu, Vampyr et… Lost Highway !
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Livre MIDI-MINUIT FANTASTIQUE, L’INTÉGRALE VOL. 2 Sous la direction de Nicolas Stanzick et Michel Caen (éditions Rouge Profond) Mai 1962. Les kiosques à journaux affichent la photo saisissante d’un loup-garou aux prises avec une voluptueuse jeune femme. En lettres noires et rouge sang brille pour la première fois un nom appelé à la postérité : Midi-Minuit Fantastique. Tout au long des années 1960, ces trois mots magiques résonnent comme la plus intense des promesses… Fondée par Michel Caen, Alain Le Bris, Jean-Claude Romer et Jean Boullet, la toute première revue européenne consacrée au cinéma de genre ne se contente pas de défricher un domaine alors méconnu et méprisé. En 10 ans d’existence et 24 numéros, MMF s’impose comme une publication à la fois ludique et exigeante, foisonnante et avant-gardiste. En un mot : culte. Sa rédaction fédère de brillants spécialistes : Francis Lacassin, Yves Boisset, Bertrand Tavernier… De prestigieuses plumes d’horizons divers s’invitent ponctuellement dans ses colonnes : Philippe Druillet, Domenico Paolella, Robert Hossein, Vincent Price… Le ton est libertaire, les racines populaires, l’inspiration surréaliste. L’iconographie de sexe et de sang, éminemment évocatrice. Un seul credo : le fantastique est l’autre nom de l’érotisme. MMF saisit en temps réel un âge d’or du 7e art et accouche d’une subversive « politique des horreurs ». La Hammer, le gothique italien, l’épouvante américaine sont à l’honneur. Frankenstein et Peeping Tom deviennent les héros noirs d’une contre-culture qui annonce mai 1968 et la libération sexuelle. Cinéma bis, cinéma d’auteur, underground, littérature et BD s’entremêlent dans un enthousiasmant maelstrom pop… Ce deuxième volume, dirigé par Michel Caen et Nicolas Stanzick, préfacé par Barbara Steele, regroupe les numéros 7 à 11 de la revue, dont l’introuvable n°8 « Érotisme et épouvante dans le cinéma anglais ». Enrichi de photos et textes inédits, il comporte de plus le DVD Les Cauchemars de Midi-Minuit – une sélection de cinq courts métrages réalisés par des proches de la revue. Manière de fêter comme il se doit la renaissance d’une revue devenue littéralement mythique. Michel Caen fonde à l’âge de vingt ans Midi-Minuit Fantastique dont il assure la rédaction en chef pendant dix ans. En 1969, il crée Zoom qu’il dirige jusqu’en 1975, L’Organe la même année, puis Vidéo News en 1979. Il est décédé en 2014. Nicolas Stanzick a publié en 2008 son premier ouvrage, Dans les griffes de la Hammer, qui s’est imposé comme un livre de référence. Coauteur du Cinéma fantastique en France en 2012, il est également conférencier et journaliste.
Fantasmagorie, Patrice Molinard, 1963
Prima donna, Philippe Lifchitz, 1963
La fée sanguinaire, Roland Lethem, 1969
Fantasmagorie, Patrice Molinard, 1963
La fée sanguinaire, Roland Lethem, 1969
Freaks de Tod Browning Etats-Unis, 1932, avec Wallace Ford, Leila Hyams, Olga Baclanova, Harry Earles, Daisy Earles, Roscoe Ates, 64 mn (projection en pellicule 35mm) Des êtres difformes se produisent dans un célèbre cirque, afin de s'exhiber en tant que phénomènes de foire. Le liliputien Hans, fiancé à l'écuyère naine Frieda, est fasciné par la beauté de l'acrobate Cléopâtre. Apprenant que son soupirant a hérité d'une belle somme, celle-ci décide de l'épouser pour l'empoisonner ensuite avec la complicité de son amant Hercule. Mais le complot est découvert, et les amis de Hans et Frieda vont se venger... Le succès de Dracula (1931) encouragea Irving Thalberg a soutenir sa collaboration avec Tod Browning et à commander au scénariste Willis Goldbeck une nouvelle histoire de monstres. Freaks devait apporter la consécration au cinéaste et la MGM mobilisa tous les moyens nécessaires à la réalisation d'un film qui fut à la fois un échec et un scandale. Par delà le film de monstres attendu, c'est le drame réaliste qui prend l'ascendant au point d'un renversement des hiérarchies qui pose toute la moralité du regard singulier de Browning (Le Cinématographe). Le thème fantastique favori de Browning (qui avait vécu sa jeunesse dans un cirque par amour d'une artiste et connaissait parfaitement l'univers qu'il décrit donc aussi en documentariste) est celui du réel dévoré par sa représentation, de l'individu captif de son double. Il trouve ici une sorte d'apogée sous la forme d'un humour très noir poussé à l'extrême : la monstruosité psychique se cache sous la beauté et la spiritualité réelle se cache sous une apparence peu engageante. La structure du film joue avec le spectateur continuellement : toutes les formes de dualité physique sont exposées comme fondamentalement bonnes et innocentes alors que le mal prend la forme de la dualité dissimulatrice (au moral) incarnée par un monolithisme sans mystère (au physique). C'est le regard du bonimenteur qui rend cette parade « monstreuse » alors que le regard du cinéaste ne cesse de contredire le sien : le spectateur est dialectiquement déchiré entre les deux visions. Et il est de tout coeur du côté de « Joséphine-Joseph » persécuté(e) par Hercule, par exemple. Le cruel suspense de Freaks repose sur une question en apparence simple : pourquoi ce qui était beau est-il devenu laid ? C'est l'art de Browning d'y répondre par litote en ayant l'air d'y répondre narrativement. Raison pour laquelle la fin fut modifiée plusieurs fois alors que sa version originale (vengeance pendant l'orage puis plan en plongé dans la fosse) suffit amplement à poser dans toute sa puissance le fondement même du film (HKSproductions, 2013)
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