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SAMEDI 22 OCTOBRE 2005 A HORS-CIRCUITS 4 rue de Nemours 75011 Paris
Bavardages, apéritif, extraits de film... le 22 octobre, de 19 h à 20h30, rencontre autour de Peter Watkins en présence de Doriane Films, éditeur des DVD de Peter Watkins et Co-errances, coopérative de distribution .
EDVARD MUNCH Réalisé en 1973 par Peter Watkins , Edvard Munch est une biographie très subjective des jeunes années du peintre expressionniste norvégien , aux prises avec les conventions de la société puritaine de son temps. Un film considéré par beaucoup comme la meilleure œuvre jamais consacrée à l’acte créatif et à la peinture ( «un travail de génie» selon Ingmar Bergman). A travers un montage audacieux qui revisite les techniques documentaires et narratives, Edvard Munch est un «cri» personnel autant qu’un portrait de l’artiste et de son milieu. Dans Edvard Munch, Watkins applique à l’histoire de l’art sa méthode pseudo documentaire. Nous rentrons, par de faux témoignages filmés, dans l’intimité d’un peintre et d’une époque. La fausseté du procédé confère a contrario sa qualité à l’œuvre. Ce film, qui invente une forme nouvelle pour enregistrer le mouvement de la création artistique sous ses différents aspects, et sous les angles possibles, est à lui seul un genre unique, mais sans descendance : sans doute le premier et le seul vrai film d’art contemporain. (Jordi Vidal) PETER WATKINS
Peter Watkins est né en 1935 à Norbiton, Surrey, dans le sud de l’Angleterre. Après avoir étudié le théâtre à la Royal Academy of Dramatic Arts de Londres, il travaille comme assistant réalisateur de courts-métrages et de films documentaires. Grâce aux récompenses obtenues pour ses films amateurs (dont Journal d’un soldat inconnu et Visages oubliés), il est recruté par la BBC pour laquelle il réalise La Bataille de Culloden. Le succès est immédiat. Considéré par ses producteurs comme un réalisateur plus que prometteur, on lui donne carte blanche pour tourner La Bombe (Oscar du meilleur documentaire en 1966). Le film, qui décrit les effets dévastateurs d’une attaque nucléaire sur la Grande-Bretagne, sera interdit d’antenne pendant plus de 20 ans par la BBC. Sous la pression politique et médiatique, il choisit de quitter définitivement le sol anglais en 1968. À partir de cette date, et en dépit des difficultés, il réussira à construire une oeuvre originale et engagée, à contre-courant de tous les canons officiels, en tournant un peu partout dans le monde. Les Gladiateurs, Punishment Park, Edvard Munch, Le Voyage et La Commune (Paris 1871), autant de films qui font date dans l’histoire du cinéma. Il n’a jamais cessé de porter un regard critique sur les mass média audiovisuels, particulièrement dans ses films où cette thématique majeure a toujours été omniprésente. Aujourd’hui, plus que jamais, Peter Watkins continue de se battre pour l’émergence d’un véritable processus alternatif et démocratique dans le champ du medium audiovisuel. Peter Watkins est également l’auteur de l’essai Media Crisis paru aux éditions Homnisphères et distribué par Co-errances.
Fimographie de Peter Watkins 1956 - The Web (amateur) 1958 – The Field of Red (amateur) 1959 – Journal d’un soldat inconnu (amateur) 1961 – Visages oubliés (amateur) 1962 – Dust Fever (amateur, inachevé) 1964 – La Bataille de Culloden (Angleterre) 1966 – La Bombe (Angleterre)* 1967 – Privilège (Angleterre) 1969 – Gladiateurs (Danemark) 1971 – Punishment Park (E.-U.)* 1973 – Edvard Munch (Norvège) 1975 – Génération 70 (Suède/Norvège) Fällen (The Trap) (Suède) 1977 – Force de frappe (Danemark) 1987 – Le Voyage (Divers pays) 1991 – The Media Project (Nouvelle-Zélande) 1994 - Le Libre Penseur (Suède) 2000 - La Commune (Paris, 1871) (France)* (* films en location à Hors-circuits)
Doriane Editeur indépendant, également actif dans la production et l'exploitation en salles, Doriane se distingue pour sa politique militante. Dans son catalogue, plusieurs films de Peter Watkins, mais aussi Le Gone du Châaba de Christophe Ruggia, SOS à Téharan de Sou Abadi, Galères de femmes et Charbons ardents de Jean-Michel Carré, Je suis né d’une cigogne de Tony Gatlif, Avoir 20 ans dans les Aures de René Vautier, les films d’Alain Tanner, les conférences au Collège de France de Pierre Bourdieu Sur la télévision… Les DVD de Doriane sont distribués par Zalys et pour bon nombre d’entre eux sont en location à Hors-circuits.
Le site de Doriane films ,
Co-errances Co-errances n’est pas un diffuseur ou un distributeur au sens classique du terme. En premier lieu, co-errances est animé par le désir de « diffuser les idées » et non d’engranger du bénéfice. Le choix de se constituer en coopérative n’est pas anodin, il correspond à la volonté de s’éloigner des modèles économiques dominants. Co-errances est avant tout un regroupement de collectifs - qui s’est constitué par le jeu des affinités - qui souhaitent se donner ensemble les moyens d’une diffusion autonome. En ce sens, le travail de diffusion et de distribution n’est pas limité à la seule mise en place des productions dans des lieux de diffusion, mais est élargi à d’autres modes de circulation, et surtout le travail de diffusion est associé à une activité permanente pour valoriser et rendre visible des savoirs, des cultures, des expressions qui nous rendent vivants. En quelque sorte, il s’agit d’inventer « ce marché noir » ou « ces circuits parallèles » qu’évoque Gilles Deleuze en exergue, pour faire circuler des textes, des pensées, des sons et des images qui nourrissent des combats, inaugurent de nouveaux savoirs donc de nouveaux possibles.
Le site de La coopérative de distribution Co-errances , sur lequel vous trouverez d'autres informations concernant Peter Watkins, et bien d'autres choses encore!
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Hommage à Peter Watkins par Julien Welter
Alors qu’elle pourrait être affiliée, avec une facilité qui toucherait à la réduction, à la plupart des courants alter-mondialistes actuels, ou au contraire être datée par son inscription dans un contexte plus politisé et marqué par les années 1960 et 1970, l’œuvre du britannique Peter Watkins reste étonnement vierge de toute récupération. Il faut dire que si le cinéaste a toujours manifesté une exigence et un jusqu’au-boutisme dans sa démarche, celle-ci est d’ordre esthétique autant que politique. Stigmatiser la glaciation de la société moderne ( La Bombe en 1966, qui spécule sur les conséquences d’une explosion atomique en zones urbaine) ou passée ( La Bataille du Culloden en 1964, qui topographie un fait militaire désastreux) passe en premier lieu, chez Peter Watkins, par une critique de l’appareil médiatique, de la culture des images et de son accession à la logique du spectacle. Pourtant si ses films peuvent effrayer par leur durée (près de quinze heures pour Le Voyage, un état des lieux de la militarisation du monde à travers des témoignages recueillis aux quatre coins du monde) ou leur sujet (The 70’s People, un documentaire basé exclusivement sur le suicide des classes moyennes au Danemark dans les années 70), ils ne sont pas austères pour autant. Loin de l’épure d’un cinéma tel que celui de Robert Bresson, autre metteur en scène pour qui l’exigence esthétique se révélait le primat, Watkins cultive une sorte de baroque précaire, teintée d’un humour noir assez poussé. Chacun de ses films révèle une méthode pointilleuse, une minutie et une récurrence des figures, dont la résurgence finit par faire sens. Parfois, les saccades du montage forment un patchwork relatif à la composition d’une toile, qui dévoile peu à peu ses motifs. Ce n’est pas un hasard si Watkins considère son évocation de la vie du peintre Edvard Munch comme son film le plus abouti, puisqu’il se recommande du genre du portrait, offre une réflexion sur la place et l’engagement de l’artiste dans une société butée et répressive et use de procédés formels très ostensibles, afin de toucher à la transversalité ou au trans-genre cinématographique, pour éradiquer les conventions, mais aussi les hiérarchies, notamment entre le metteur en scène et les acteurs. A travers le souci pédagogique et la prise de position, Watkins veut aussi nous rappeler que l’Histoire (ou le genre documentaire qui s’y rapporte) est un matériau vivant, ce qui implique aussi la confrontation et surtout la participation du spectateur, qui ne doit pas être réduit à son rôle passif et doit être amené à se rappeler qu’à tout moment, il peut devenir un acteur lucide de l’Histoire, conscient et responsable. D’où une certaine violence et un acculement à l’engagement. Dans The 70’s People, les statistiques concernant les taux de suicide au Danemark sont couplées à d’autres, renseignant sur la malnutrition en Ethiopie, mais la finalité de la démarche, même lisible, est laissée à la libre interprétation du spectateur. A ce titre, il est réjouissant de constater que l’œuvre de Peter Watkins suit une courbe ascensionnelle, son dernier film en date, La Commune (2000) restant l’un de ses plus stimulants et aussi l’un des plus vivants. Il sort une fois de plus des limites vers un processus plus complexe, et offre un travail de mémoire reposant sur l’enregistrement et l’archivage. Watkins, pour défier les mécanismes des mass médias audiovisuels, montre la fabrication du film, nous renseigne sur ses procédés et les techniques qu’il utilise, donne ses sources, cite ses références et présente tous les protagonistes. Il fait, comme il le dit lui-même, « d’un film relatant une lutte populaire (celle survenue à Paris en 1871) un outil possible de lutte ».
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